« La
douceur revient - l'apaisement aussi. » témoigne Elsa Grangier
dans son billet donné au Huffington
Post. Elle vient de rencontrer
Adam et son petit garçon dans une rue de Molenbeek. Le père
raconte : « « Je suis arrivé d'Algérie en
nonante » [...] Selon lui, sa ville, il y fait bon vivre. « Les
cas de radicalisations sont isolés et bien sûr arrivent. Comme
partout. Molenbeek n'est pas une exception. » » A part
pour Guy Malandain et Ali Rabeh. Car trop c'est trop. Eux ne
« vivent » pas à Molenbeek. Et Trappes n'est pas
Molenbeek. La preuve ! Ils n'en sont pas le maire et le
maire-adjoint. Et Molenbeek n'est surtout pas Trappes où, depuis les
attentats du 13 novembre, « on vit ici en fraternité pour la
paix ».
Guy
Malandain et Ali Rabeh n'en n'ont pas démordu : Trappes a
été outrageusement associée au communautarisme et à une longue et
terrifiante série d’attentats terroristes. Ils sont montés sur
leurs grands chevaux. Le motif de leur courroux ? Le
commandant de police Patrice Ribeiro. Son forfait ? Avoir
déclaré qu'il y a partout en France des Molenbeek, à l'instar de
«Trappes, Roubaix, le Mirail à Toulouse, où
vivait Mohamed Merah ». Emportés par leur colère d'élus qui
« vivent » à Trappes « en fraternité pour la
paix », ils en ont oublié que Molenbeek c'est aussi des
Molenbeekoises et des Molenbeekois. Une population qui «elle aussi
vit dans la stigmatisation et en souffre constamment ».
Mais l'injustice n'est pas un souci pour ces élus de gauche !
Patrice Ribeiro est à leurs yeux le secrétaire général
d'un syndicat aux positions souvent jugées à droite,
Synergie-officiers, qu'il faudrait combattre au nom d'un
idéal qui ne comprend pas le réel !
Qu'ils
y prennent garde ! Face au déni, les habitants de Trappes et de
Molenbeek pourraient se serrer la main. Ces deux villes sont
frappés par des maux économiques similaires : le difficile
passage de la société industrielle à la société tertiaire. De
même, les Bourgmestres successifs de Molenbeek, comme Guy Malandain
à Trappes, refusent avec désinvolture cette
image négative de commune touchée par la criminalité. Quant à
leurs administrés ce sont des héritiers. Non-pas des entreprises du
CAC 40 ou du BEL 20. Ils sont les héritiers « de politiques
sociales laxistes. Et qui n'ont fait que nourrir le monstre. »
Ce monstre devant lequel Patrice Ribeiro ne voudrait pas faiblir :
« Il y a un substrat à Trappes et il y a une adhésion d'une
partie de la population aux thèses qui rejettent les valeurs
démocratiques ».
Peine
perdue ! Guy Malandain et Ali Rabeh sont en croisade. Mais
croyant revêtir leurs habits de chevaliers blancs contre Patrice
Ribeiro, ils chargent contre les Trappistes. Lisons Guy
Malandain dans l'édition du Parisien en date du 25 mars, qui
use d'un vieux tour rhétorique pour ne pas assumer la responsabilité
des problèmes : «Je préfère ne pas réagir aux âneries de
quelqu'un qui aurait mieux fait de se demander s'il avait bien fait
son boulot lorsqu'il était en poste ». Entendons Ali Rabeh qui
maladroitement « islamise » le débat au micro de
RMC, tendu par Éric Brunet : « Venez
avec M. Ribeiro, à pied, dans ma ville et il verra combien de femmes
en burqa il verra et s'il y a des zones de non droit ». Et à
la pointe de l'épée, la cerise de nos redoutables bretteurs :
« On n'est pas en guerre et il ne faut
rien faire qui puisse légitimer ce propos ». Mince ! Ces
élus de gauche ne connaissent pas l'optimisme courageux de Jaurès
: « La paix n'est qu'une forme, un aspect de la guerre :
la guerre n'est qu'une forme, un aspect de la paix : et ce qui
lutte aujourd'hui est le début de la réconciliation de demain. »
En
fait « d'âneries » celles de Guy Malandain et d'Ali
Rabeh pourraient avoir trouvé d'autres brides que l’idéal de Jean
Jaurès maintes fois rectifié par la majorité socialiste de
Trappes. Elsa Grangier est chroniqueuse pour l'émission Les
Maternelles sur
France 5. Son témoignage donné
au Huffington Post, « il y a trois jours j'étais à
Molenbeek » semble nous parler de Trappes. « Pour
l'instant, je n'y vois qu'une banlieue populaire chargée d'une forte
histoire communautaire. Aucune barbe, aucune burqa, aucune tension
apparente. Molenbeek a des airs de Barbès, d'Avron, de Montreuil
-endroits que j'ai habités. » Un sentiment qui évolue
au fur et à mesure de sa visite. « C'est
populaire mais c'est triste aussi Molenbeek. Voire un peu glauque à
certains endroits. Ferrailles, déconstruction et grillages barbelés
cohabitent là où l'on voudrait chaleur et cohésion sociale. »
Quel Trappiste oserait dire que les laideurs de sa ville ne l'ont
jamais rendu triste ?
Tout
à coup, une fusillade éclate. Et à Elsa Grangier de constater.
« Molenbeek la désenchantée
s'est mue en Molenbeek l'hostile. Bizarrement, il fait plus froid, le
soleil s'estompe, les regards semblent s'appesantir davantage, les
berlines opèrent un balais incessant avec lenteur... L'insécurité
gagne. Paranoïa? » Elle finit par répondre :
« Impuissance constatée face à la montée de la
radicalisation, incapacité à endiguer l'embrigadement des
jeunes et un certain laisser-faire fédéral : ingrédients parfaits
qui font de Molenbeek une base stratégique du terrorisme. Tout cela
en plein cœur de l'Europe. »
« La
douceur revient - l'apaisement aussi. », Heroes
de David Bowie résonne dans mes oreilles de Trappiste. « Et les
fusils / Tiraient au-dessus de nos têtes / Et on s'embrassait /
Comme si rien ne pouvait tomber / Et la honte / Était de l'autre
côté.» Je pense à la guerre froide et à son mur, celui de
Berlin. Je me dits que
Heroes
n'engageait pas à dire « Je suis Berlin » mais plutôt
« Je suis un Berlinois ». Ne devrais-je pas moi-même
tenter de fendre un peu le mur ? Celui des processus de
radicalisation qui rendent utile, à la médiocratie qui végète,
les idiots sanguinaires. Serait-ce une « ânerie » de ma
part que d'adresser mon sentiment fraternel à la population d'une
ville populaire de Belgique ? Une population que
« l'islamisation de la radicalité » a injustement
enclavé. Je voudrais faire tout cela en disant : « Je
suis un Molenbeekois ! » Ce n'est pas Guy Malandain et
Ali Rabeh qui le disent. Y ont-ils seulement pensés au nom de
l'égalité, ce socle de la fraternité ?
A lire : Elsa Grangier : "Il y a trois jours j'étais à Molenbeek".
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